Nous étions plusieurs à être invité·e·s à ce programme de recherche artistique pour un an (Camille Roux, Grégory Buchert, Éric Perez, Paul Souvirons et Jonathan Schall). Chacun·e organisait ses recherches à son rythme, mais avant tout, nous avons construit un lieu central en bois au milieu des bâtiments bétonnés des étudiant·e·s pour mener et exposer nos recherches, ou peut-être pour nous identifier ou nous protéger de cet univers paradoxal.

Être à HEC n’est pas simple. Son système de fonctionnement et son impact sur le quotidien de la société te rendent méfiant. Mais cette envie de faire est plus forte. Ces mots n’engagent que moi. Un programme de résidence est toujours une aventure particulière, mêlant sans hiérarchisation réelle des expériences de vie à des projets artistiques et professionnels. Se crée alors une conjoncture spécifique à l’instant, au lieu, aux intervenant.e.s, devenant peu à peu indissociable de l’œuvre produite. Les réalisations émergeant de cette année passée sur le campus HEC ne sauraient se soustraire à la puissance et à la complexité d’un tel contexte.

Sorte de ville onirique, enclave se situant quelque part entre la transparence bleutée de Playtime et un éternel spring-break, HEC peut être un lieu bien étrange pour celui qui n’en connaît pas les usages. Durant cette année de travail, notre collectif s’est trouvé confronté à ses propres entraves comme à celles de l’extérieur, et nous avons dû reconsidérer à maintes reprises, la nature de nos prises de position, vis à vis de ce lieu si singulier et de sa violence insouciante.

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Je travaillais sur une installation dans l’une des cabanes. Les recherches et expérimentations avançaient, mais après quelques jours d’absence, je découvre les dégâts causés par les aventures des étudiant·e·s après l’une des fameuses « fêtes du jeudi soir » sur le campus.

Nous discutions alors d’une décision que je suis censé prendre, une décision qui m’appartenait apparemment.

Je décide de figer les dégâts grâce à du film d’emballage noir, pour les protéger, pour pouvoir les transporté en l’état, et puis je porte plainte contre X. Ensuite, je rencontre les X, mais je n’ai pas changé ma plainte. Je l’ai simplement accroché sur l’installation, comme une étiquette de transport.



En reprenant l’ensemble des expérimentations (achevées ou non) produites lors de ce programme, nous avons terminé par une tentative d’exposition intitulée « À Bout De Bord ». Plutôt que de tirer des conclusions impossibles, cette exposition proposait une mise à plat de nos recherches, en vue d’amorcer des perspectives et de prendre du recul. Transformer ce vécu collectif et trivial en une topographie tourmentée, en un monde irréel, afin de faire surgir çà et là une vision critique de notre expérience. Il y a là des tentatives d’habitations, de transport, des obstacles, ainsi qu’une multitude d’objets anticipant leur destruction et revendiquant joyeusement leur insoumission.

Sans titre
bois MDF, vis doré, 2mx7m

Pendant l’ouverture de l’exposition, j’ai invité les artistes et le public à marcher sur ce pont, peint en rouge. La structure n’a pas été déstiné pour supporter le poids des pas et s’est cassée après deux ou trois passages. Quelques planches sont restées intactes, mais le public a insisté pour terminer le travail.

« Allongé »,
C-print, cadre en bois sculpté, 60x90cm (chaque image)

Cette série de portraits reprend les codes de l’imagerie bourgeoise, en y insinuant une part d’étrangeté et d’ironie.
Traditionnellement accrochés en léger surplomb afin de dominer celui qui les observe, jouant d’une codification stricte, ces clichés parlent de la façon dont un groupe social se donne à voir. Mais ici, l’image de cette nouvelle élite se voit altérée, mise à terre sous l’objectif du photographe, captant des visages légèrement déformés par le poids de leur propre corp.

« SurvIe, faute orthographe »
Tirage duratrans 60x45cm, caisson lumineux

Née dans la contrainte des dégradations subies tout au long d’une année de résidence, cette installation met en exergue deux formes d’abandon.

La destruction initiale relève de l’abandon de soi, du laisser aller du corps et de l’esprit, tandis que la placidité du sujet photographié, la condamnation de l’entrée (actions de l’artiste) relèveraient pour leur part du renoncement à la possession d’un bien ou de l’abandon d’une lutte inutile. Un geste qui admet la défaite et s’offre au vainqueur”

Réalisation lieu central  :
Camille Roux, Grégory Buchert, Éric Perez,
Paul Souvirons, Jonathan Schall, Armin Zoghi

Production : Espace d’art contemporain HEC